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vendredi 15 mars 2024

(Po) Orage au Léman

Au bord du port,
Les lames grises écumaient d’une rage sans énergie
Sinon leur mal de vivre.
Au port d’à-bord,
Le vent du nord tournait au gris
Comme un fêtard distrait.

Un phare orange se mit à clignoter
Juste trop calmement peut-être,
Un écran gris couvrit nos yeux
Et soudain nous cessions d’espérer.

Au port si fort,
Les voiliers délavés tendrement se hâtaient
Cherchant le vent qui s’envolait.
Au bord du bord,
Tu te penchais, frissonnante, rêveuse,
Humant l’embrun qui te flirtait.

Un fard d’orage se mit à ton visage,
Emplissant le léger crépuscule,
Un éclat gris transcendait ton regard
Et soudain tu cessais d’exister.

La ville tranquille,
Ses ruelles étroites et sombres, ses bâtisses endormies,
Ses lits d’amour, sa vie trop pleine,
Ses mille presqu’îles,
Son pied dans le passé, son oeil sur le futur,
Tout cela s’effaçait, et toi tu t’envolais.

Un pharmacien se mit à sa fenêtre
Pour me dire que d’autres aussi pouvaient rêver,
Et le vieux docteur, tout seul dans sa baraque,
Avait, je le savais, les larmes aux yeux.

Tes cils mobiles,
Ton souffle accéléré, avide de ne rien perdre,
Tes pieds gelés qui ne protestaient plus,
Dociles, sans bile,
T’emmenaient à l’au-delà des poètes perdus
Où je ne savais te suivre.

Blafard, le ciel se mit à crachoter,
Mais tu ne le savais pas, tu n’étais plus là
Sans peur, sans haine, pleine de l’orage qui montait,
Inconsciente, tu cessais d’être à moi.

Et moi, debout là, veuf et sans raison,
Et moi, sans voix, ne comprenant pas,
Je t’arrachais à cet amant diffus,
Le Léman velu, mon ennemi.

                       *

Quelques années après, repassant au bord du lac frémissant,
Je comprends que c’est là que je t’ai perdue.

Et je reste muet, sans peur sans haine,
Pleurant, tendant les bras au Léman agité,
Plein d’un amour naïf pour l’orage qui vient.

Je resterais là des heures, sous la pluie tiède,
Vibrant d’une émotion inconnue.
Je suis bien.
Je pleure, bien sûr, mais c’est de joie.


Jean-Jacques Corbaz, 9 août 1975    


(FA, Vu, Hi) Quand le judaïsme chancelait

Au deuxième siècle avant la naissance de Jésus déjà, on voit que la religion juive est dépassée: la diaspora hellénistique se développe, tandis que la Judée traditionaliste piétine. Le judaïsme devient une force réactionnaire, qui tient à l’écart les juifs des activités hellénistiques en vogue en ce temps-là: arts, politique, rhétorique, science, sport, commerce…

Il faut donc dépasser cette vieille religion pour en enfanter une nouvelle, qui appartienne à son époque. 

Le temps du christianisme était arrivé.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, 20 novembre 1974   


(FA, SB, Vu) Parole de Dieu, vraiment? L’inspiration de la Bible

On dit souvent que la Bible est «parole de Dieu». Cette affirmation ponctue la lecture des textes bibliques dans bien des Eglises, notamment chez les catholiques. Mais qu’est-ce que ça veut dire, concrètement? 

Dans les Ecritures saintes, on peut lire des versets qui se contredisent entre eux; ainsi que des affirmations qui sont contraires à ce que nous pensons. Par exemple Exode 35, 2 dit que quelqu’un qui travaille le samedi doit être condamné à mort. Ou Lévitique 19,19: «Ne semez pas dans vos champs deux espèces différentes, et ne portez pas des habits tissés de deux sortes de fil». Parole du Seigneur, vraiment?

On me dira que ces prescriptions appartiennent à l’ancienne alliance, qui ne doit être lue qu’en fonction du Nouveau Testament. Mais que faire alors par exemple de versets comme 1 Corinthiens 16, 22: «Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit maudit»? Parole de Dieu, vraiment?

Comment comprendre ces passages controversés? On jette sa Bible aux orties? Ou on décrète que certains versets de l’Ecriture sont des faux? Ou, comme je l’ai quelquefois lu ou entendu, on se contorsionne pour essayer d’expliquer que non, l’auteur ne voulait pas dire ça?

Dans ces trois cas, on se trompe sur le statut des paroles bibliques, et sur le sens du fameux «Parole du Seigneur». 

Je suis convaincu que les textes saints sont inspirés par Dieu. Mais je suis tout aussi fermement persuadé que cette «inspiration» signifie autre chose que ce qu’on croit souvent. Les mots et les phrases de la Bible n’ont pas été dictés par Dieu comme les musulmans le disent à propos du Coran. Les textes saints résultent d’une rencontre, d’une interaction entre d’une part les hommes et les femmes qui ont rédigé les Ecritures et d’autre part Dieu, qui les a suscitées.

L’inspiration de la Bible n’est pas ponctuelle, c’est-à-dire valable pour un seul point donné (un seul mot, une seul phrase, un seul chapitre…) de façon isolable. Elle ne l’est même pas pour un seul auteur pris individuellement et hors de son contexte historico-littéraire. Même pas pour un évangile comme celui de Matthieu par exemple. Tous sont inspirés parce qu’ils appartiennent à un ensemble inspiré, les Ecritures saintes.

Nous avons besoin de plusieurs évangiles pour exprimer - au mieux - l’Evangile de Jésus Christ, cet Evangile qu’il est impossible de fixer dans nos termes humains imparfaits. Nous avons besoin d’une grande variété de textes pour approcher au mieux la Parole de Dieu, elle qui est transcendante et qui nous échappera toujours partiellement. 

La Bible telle que nous la lisons aujourd’hui est le fruit de toute une histoire où cette Parole s’est mélangée à nos mots humains, à nos phrases limitées, et même à nos raisonnements terrestres, voire à nos préjugés tout immanents. C’est là le miracle des miracles: Dieu a accepté que son Histoire soit mêlée aux histoires des humains, avec toutes les compromissions que cela suppose, toutes les faiblesses et les mythes que cela peut inévitablement engendrer!

En eux-mêmes donc, le livre de la Genèse, l’épître de Jacques ou l’évangile de Matthieu ne sont Parole divine (LA Parole) qu’en tant qu’ils sont situés dans le cadre de l’histoire du salut, enracinés dans les histoires humaines et dynamisés par les interventions de Dieu dans cette histoire. L’histoire du salut est bien le grand terme, la référence suprême de toute pensée théologique (et je précise que faire de la théologie n’est pas réservé à une élite universitaire; chaque fois que vous dites quelque chose même de tout simple sur Dieu, vous faites de la théologie).

Dans ce sens, ce n’est pas l’Eglise qui est infaillible, ni le Pape, comme le disent souvent les catholiques. Ce n’est pas non plus le texte des Ecritures, comme l’affirment les fondamentalistes. L’Eglise comme la Bible sont le résultat d’une compromission de Dieu avec l’imperfection inéluctable des êtres humains.

Ainsi, toute écriture, qu’il s’agisse de ce texte que vous lisez, qu’il s’agisse du Nouveau ou de l’Ancien Testament ou de vos phrases à vous, n’est inspirée qu’en fonction de son rapport avec l’histoire du salut. Et quand je dis «fonction», cela implique qu’elle ne sera jamais parfaitement inspirée. 

Cette histoire du salut commence avec la Création et elle continue aujourd’hui. Mais elle culmine en Jésus, tout spécialement dans sa mort et sa résurrection. Parler de point culminant indique que c’est à ce moment-là que la Révélation est la mieux livrée. Mais il y a eu bien sûr des petits «sommets» à d’autres époques: Abraham, Moïse, les prophètes de diverses périodes; ainsi que les réformateurs (ce qui ne se restreint pas à Luther, Calvin et leurs semblables, car François d’Assise ou Martin Luther King le sont tout autant, et il y en a des centaines!). Mais le sommet des sommets se trouve en Jésus, dans sa croix, même si là également nous avons toujours un certain degré (inévitable, nous l’avons dit) de compromission avec l’humain. 

C’est dire que le canon des textes saints (c’est-à-dire le critère de leur fidélité à Dieu) ne sera ni la date de rédaction ni le style, ni même le contenu ou le fait qu’ils entrent ou non dans nos idées, nos schémas. Mais ce sera l’apostolicité de ces écrits, i.e. leur qualité de remonter au mieux à Jésus, et avant tout à Jésus crucifié.

Les premières confessions de foi, d’ailleurs, sont historiques et non spirituelles, autant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. La première Eglise confesse Jésus Christ comme homme et non comme Dieu. Ce n’est qu’avec les années, et notamment sous l’influence de la gnose, qu’on donne de plus en plus de place à sa divinité, alors que les premiers croyants s’en tenaient aux interventions de Dieu dans l’histoire.

Cette tendance se manifeste encore aujourd’hui et chez nous. Chaque fois que nous prions un Jésus purement angélique, uniquement esprit, nous l’arrachons à l’histoire dans laquelle il s’est enraciné et en faisons un héros mythique. C’est la dérive des enthousiastes de toutes sortes.

La spécificité du christianisme par rapport aux autres religions est justement le fait que tout passe par l’histoire, que le salut ne s’accomplit pas ailleurs que dans l’histoire.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 9 décembre 1974       


(Li, Po) Il est toujours vivant

Sur terre, quelquefois, nous éprouvons comme une nostalgie de Dieu.
C’est qu’il n’est pas facile à accueillir vraiment.

Dieu, c’est comme l’amour
Comme le vent du nord
Je le cherche toujours
C’est lui qui vient encore.
J’aimerais tant l’aimer
Ce n’est jamais parfait
Il n’est jamais donné
Mais chaque jour il naît.

Jamais définitif, toujours prenant nouveau visage,
Il vient changer ma vie au vol de chaque instant.
Insaisissable souffle, élan créateur et sans âge,
Regard et chant d’amour, il est toujours devant
Il est toujours vivant.


Jean-Jacques Corbaz, 21 décembre 1976  


(Po) Délyrisme

Le chemin ressemblait au chemin de l’histoire.
Grise ou noire
La maison vide n’attendait que des légendes et des souvenirs
Pour la remplir
Ramuz avait posé son décor.

Les arbres sombres s’élançaient à la recherche d’amours perdus
Les branches basses s’allongeaient en quête de noirs pendus
La grande peur se cherchait un corps.

Un vieux lac oublié traînait dans la montagne
Des rochers sans pitié affûtaient leurs marteaux
La folie guettait, chat sournois.

Les premières amours s’étaient éteintes, mortes d’avoir trop brûlé
Les espoirs s’enfuyaient, au rythme des jours sans pitié
Le soleil pâlissait jusqu’à devenir cradasse.

- Et quand le livre se refermait, la vie recommençait à sourire!


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 6 janvier 1975    

 

(Po) Âge adulte

Quelques années encore
S’envole notre enfance
Souvenir bleu qui danse
Exorcisant la mort.

Les rythmes d’innocence
Connaissent des temps forts
Et parfois des temps morts
De nouvelles cadences.

Invisible présence
Âge qui nous rend fort
Vers quel fabuleux port
Pointes-tu tes silences?

Dérivant sur tribord
Nos rêves qui balancent
Au gré d’un faible accord
Cheminent nos souffrances.

Quelques années alors
Pour humer la démence
Exhumer l’insouciance
- Et vienne enfin l’aurore!

Mystérieuse puissance
Horizon frangé d’or
Déroule ton avance
Aspire nos remords.

Que l’étoile espérance
Fontaine de jouvence
Nous ramène l’enfance:
Nous grandirons plus forts.


Jean-Jacques Corbaz, Ndoungué, 2 mai 1975    

 

lundi 11 mars 2024

(Po) Monsieur Arthur


Monsieur Arthur clame qu’il est malade
Qu’il est tout faible
Il le clame si fort qu’il me casse les oreilles
Monsieur Arthur.
Monsieur Arthur clame qu’il est malade
Proclame qu’il souffre en silence
Plus qu’on ne pense
Monsieur Arthur s’apitoie sur lui-même
Voudrait qu’on l’aime.

Monsieur Arthur clame qu’il n’aime pas dire qu’il est malade
Il voudrait le cacher
Monsieur Arthur crie de plus en plus fort
Monsieur Arthur a peur
Peur de la mort.

Monsieur Arthur ne veut pas cesser de travailler
Pas se reposer
- C’est un brave, Monsieur Arthur, c’est un dur!
Et pourtant n’est-il pas ridicule de s’user
Inutilement
Quand on est souffrant?

Monsieur Arthur crie qu’il est fort
Crie trop fort
Et les enfants, sortant de l’église, se demandent:
N’est-ce pas insulter Dieu que mépriser son corps souffrant?
Arthur le dur est plus petit que les enfants.

Que vienne, Arthur, une geisha
Qui te prenne enfin dans ses bras.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, 28 novembre 1974   


(Po) Polissage (écho)

Quelques vagues naissantes,
Nées sans travail,
Vaille que vaille
M’emporteront, puissantes,
Puis sans trouvaille
S’entr’ouvriront.

Les îles Sous-le-Vent,
Soulevant mes silences,
S’y lanceront patience,
Avec obstination, sans hâte, doucement,
À tes amours ce mendiant
À mourir d’espoir, en pleurant.

Trois roses sous-marines
Marient naïvement leur beauté
Parlent de liberté câline
À l’inusable joie.

Un jour, à force de caresser les mots,
L’émotion à fleur d’eau,
J’éroderai ma page
À pas géants, sans cage et sans saccage,
Je me retirerai, la vague à l’âme au fond de mon écho.


Jean-Jacques Corbaz, 13.5.77   


dimanche 10 mars 2024

(Po) Ma fée

Ma fée
Ma fille
Mon amour
Constante de mes soupirs
Occident toujours couchant sur mon désir
Ma fée
Ma fille
Mon amour
Je t’aime depuis le premier jour.

Tu es le corps de mon coeur
L’enveloppe de mon espoir
Ma fée
Ma fille
Mon amour
Tu es le creux cuivré où je me réfugie
À l’abri des vents de folie
Mon amour
Ma fée
Ma fille.

Qu’on ne me dise pas que tu n’existes pas
Je crois en toi
Je sais que tu seras
Ma fée
Mon amour
Ma fille
La chrysalide est là
L’insecte d’or y reviendra
Pour toujours
Ma fille
Ma fée
Mon amour.

Tu reviendras un matin d’été
Ma fille
Mon amour
Ma fée
Tu m’aimeras comme je t’ai aimée
Tu revivras en nouveauté
Redeviendras cygne ailé  (laide, ah non!)
- Après la nuit revient le jour
Tu seras plus belle
Plus réelle
Tu retrouveras la vie qui t’a quittée
Pour toujours
Ma fée
Ma fille
Mon amour.


Jean-Jacques Corbaz, Yaoundé, le 10 février 1975    


(Li, Po) N’est-il pas?

N’est-il pas dans ta vie un peu d’une humble flamme?
N’est-il pas dans ton corps un peu d’un humble Dieu?
Et n’est-il pas alors un être plus heureux?

Il est
N’est-il pas?

Ne fut-il pas en toi un peu d’un serviteur?
Ne fut-il pas chez vous un amour trop entier?
Et n’est-il pas alors un peuple libéré?

Il est
N’est-il pas?

N’est-il pas dans ton coeur un espoir de folie?
N’est-il pas dans tes mains un pouvoir infini?
Et ne sera-t-il pas alors un monde transformé?

Il sera, n’est-il pas?
Cela dépend de toi.


Jean-Jacques Corbaz, 14 mai 1976  


vendredi 8 mars 2024

(Po) Nature chante (La chute d’eau)

La chute d’eau tarie
Une drôle de musique
Son lit vide
Même pas de soleil pour l’excuser.

La chute d’eau qui fait la grève
Et les cascadeurs sont bien embêtés.

Avec mes forces, je recréerai la chute
Son bruit, son brouillard,
De mes mains nues je creuserai la source
Et la tombe aux moqueurs.

La chute d’eau fredonne
Et m’éclabousse les yeux
Les cailloux disent merci.

Son travail de chute
Leur art de cailloux
Ma responsabilité d’homme
C’est la nature qui chante.

La chute d’eau s’éclate,
Fracasse la pente empierrée
Un coup de vent brun m’emporte
Ou est-ce moi qui m’emporte?

Nature, apprends-moi à chanter.


Jean-Jacques Corbaz, 13.5.77   

 

(Li, Po) Ne faut-il pas (mort et ressuscité)


Christ Seigneur, tu es aussi Jésus mort sur la croix.
Ne faut-il pas que le raisin soit broyé, pressé, pour devenir vin
Ne faut-il pas que le blé soit moulu, pétri, pour devenir pain
Ne faut-il pas que la laine soit tordue, étirée, pour devenir habit
Ne faut-il pas que le métal soit frappé, martelé, pour devenir outil
Ne faut-il pas que nous-mêmes …
nos amours…
nos succès…
nos espoirs…
Ne faut-il pas que la Passion nous traverse pour devenir bienfait pour les autres?


Jean-Jacques Corbaz, 5.12.1977