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dimanche 28 juin 2015

(Pr) Le baptême et les sacrifices, mais quel rapport??

Prédication du 28 juin 2015 « Les promesses de Dieu et les prix sacrifiés »
 

Lectures:  Deutéronome 26, 1-11; Hébreux 9, 12-15; Jean 3, 16-17

La publicité (et les grands commerces) ne savent plus comment attirer l’attention. On a commencé, il y a bien des années, à annoncer des prix baissés. Les clients sont accourus. Et puis ils se sont habitués. Du coup, certains ont voulu faire de la surenchère verbale. On s’est mis à vanter des prix cassés, puis des prix écrasés... Et aujourd’hui, on voit de la réclame pour des prix sacrifiés!

Ces efforts touchants veulent faire croire que c’est le client qui gagne à tous les coups. Le vendeur qui se sacrifie pour notre bonheur. Hem!
 


J’ai médité un peu sur ces prix sacrifiés. Est-ce qu’on sait encore ce que ça veut dire, sacrifier?

Vous répondrez: ça signifie “accepter de perdre”. Et c’est partiellement juste, bien sûr.

Mais d’abord, dans sacrifier, il y a le mot “sacré”. Et il y a “fier”, qui veut dire “faire” ou “rendre”. Solidifier, c’est rendre solide. Pacifier, c’est rendre pacifique, ou paisible. Rigidifier, c’est faire devenir rigide. Donc sacrifier signifie littéralement rendre sacré.

Mais quel rapport avec le fait de perdre?

Vous l’imaginez probablement, c’est l’antique pratique du sacrifice qui a fait évoluer le sens de ce verbe: on égorgeait un animal en offrande à Dieu, cela se passait dans toutes les religions, autrefois. On faisait un cadeau à la divinité, en espérant sa bienveillance, voire en échange de son pardon; en échange de sa bénédiction, ou de sa protection...

En donnant cet animal à Dieu, on le rendait sacré: on le faisait passer dans le domaine du divin. De la même façon que pour l’offrande d’une partie de la récolte, comme le raconte le passage du Deutéronome que nous avons lu.

Par la suite, on a utilisé le verbe “sacrifier” dans un sens figuré: donner quelque chose en échange d’un avantage espéré. Aux échecs, on parle souvent de sacrifice d’une pièce pour tâcher d’obtenir, quelques coups plus loin, une position plus favorable.

Et on arrive ainsi aux sens de notre époque, où “sacrifier” veut dire toute une série de choses; “sacrifier”, ça peut vouloir dire abandonner (“tu sacrifies ton jour de congé?!”); ou se dévouer (“il faut bien que quelqu’un se sacrifie”)... jusqu’à nos fameux prix, prétendument “cadeaux”.
 


Sacrifier = rendre sacré. Offrir à Dieu. Faire entrer dans l’univers du divin. Aujourd’hui, chère famille, on peut donc dire, au sens premier, que vous sacrifiez votre enfant. Non pas en acceptant de le perdre, bien sûr que non! Mais, en le confiant à Dieu, vous le placez dans une sphère sacrée, sous une bénédiction plus haute. Vous rendez (un peu plus) sacrée votre fille Alicia. Et c’est toujours de pardon, de présence proche, que nous parle ce geste religieux.

Pourtant, le seul vrai sacrifice, dans cette histoire, ce n’est pas le vôtre, chers parents, parrain et marraine d’Alicia. Le seul vrai sacrifice, le Nouveau Testament l’affirme, c’est celui de Jésus, le Christ, lui qui s’est offert sur la croix, lui qui a accepté d’être comme égorgé à Vendredi Saint en signe d’amour de Dieu.

Signe de pardon, et signe de patience! S’il laisse même tuer son fils par les humains, nous savons donc que Dieu ne va jamais intervenir pour nous punir de nos petites désobéissances, ou pour mettre fin à nos bagarres, à nos égoïsmes ou nos lâchetés. Il les tolère. Il ne compte pas nos fautes, comme le croyaient l’Ancien Testament et le judaïsme. Depuis Jésus Christ, Dieu nous affirme (et de quelle manière!) Dieu nous affirme son pardon inconditionnel: il reste notre Père, il ne cesse jamais de nous aimer comme ses enfants préférés, même si notre conduite n’est pas celle qu’il attend.

Bonne nouvelle, n’est-ce pas? Mais, évidemment, bonne nouvelle qui peut, qui pourrait... qui devrait changer notre manière de vivre. Positivement, je veux dire! En effet, cette promesse de pardon, elle peut nous entraîner dans deux directions opposées: soit je me dis “Alléluia, Dieu efface toutes mes fautes, je peux donc me conduire comme le pire des égoïstes, matérialistes, violents, et tout et tout, de toute façon Dieu ne me punira jamais!”

Soit, au contraire, j’essaie d’améliorer mon comportement quotidien en signe de reconnaissance à ce Père d’infinie tendresse. Et je puise à cette source de patience, de tolérance, de sérénité, de solidarité... pour devenir moi-même un peu plus patient, un peu plus tolérant, serein, un peu plus solidaire!

C’est ainsi, du reste, que nous agissons avec nos enfants, non? Espérant que notre affection, qu’ils reçoivent, leur permette d’en donner un peu plus, à leur tour.
 

Baptiser un enfant, c’est ainsi le placer dans cette sphère du divin, avec ses promesses et ses appels; avec ses sécurités et ses aventures! Oui, c’est un placement, comme quand on investit dans des bons du Trésor! On place nos petits trésors dans le monde du Bon avec majuscule, ce monde que Jésus est venu ouvrir devant nous.

Bonne nouvelle! À vivre, donc. À laisser s’épanouir en nous, parents, enfants, au soleil de la bénédiction infinie de Dieu. Lui qui a offert son fils en sacrifice pour nous sauver.

C’est ainsi que, depuis Vendredi Saint, la grâce est en promotion! En effet, la vie éternelle et le pardon, ils sont bradés à un prix... oui! un prix sacrifié!

Vous l’avez compris, maintenant: ça veut dire: gratis!
Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz



samedi 27 juin 2015

(Ci, Ré) LE POMPIER OU LE TERRORISTE ? - Eric Emmanuel Schmitt

Je viens de passer deux jours quasi muet, abasourdi par les violences terroristes qui ont frappé des innocents en France et en Tunisie. De nouvelles étapes dans l’horreur viennent, dans les deux cas, d’être franchies : une décapitation sur le sol hexagonal, une fusillade sur une plage paisible. Ne croyons pas que cela cessera là : le mimétisme va jouer, ces abominations serviront de modèles à d’autres, la cruauté prendra des dimensions vertigineuses.
Un détail m’inquiète : la publicité que les médias font aux criminels. Elle a d’infinis effets pervers.


Si la célébrité représente l’une des formes de la réussite contemporaine – « chacun cherche son quart d’heure de gloire » -, les médias décernent une sorte de légion d’honneur aux terroristes. Ils les font entrer au Panthéon des criminels, sans se rendre compte que, pour certains, c’est le Panthéon des martyrs. Effet pervers…


Privilégier le spectaculaire, le sensationnel, c’est privilégier la violence. On nous fait entendre l’arbre qui tombe, pas la forêt qui pousse. On donne du bruit au bruit. On fait silence sur l’essentiel.


Consacrer du temps, de l’antenne, des mots, de la place, aux criminels, c’est certes tenter de comprendre, mais c’est aussi inverser les valeurs. Je voudrais qu’on me parle des héros du bien, pas des héros du mal. Je voudrais qu’on me parle du pompier qui s’est jeté sur Yassin Salhi et l’a neutralisé. Imaginez la scène : le terroriste vient d’accrocher au grillage la tête de sa victime et ouvre des bouteilles d’acétone pour faire sauter l’usine en hurlant des paroles de haine. Le pompier se jette sur lui et, aux poings, l’arrête, le domine puis le livre aux forces de l’ordre. 


Non seulement ce pompier de la SDIS38 a sauvé des centaines de vies, mais il a aussi sauvé une idée de l’homme : l’humaniste qui met sa force au service des autres et du bien commun. Grâce à lui, la bonté n’est pas morte. J’aimerais qu’on le célèbre davantage que le criminel.


Ce pompier se repose chez lui, choqué, blessé, nous dit-on. Par prudence, on maintient son anonymat. 


Merci à lui. Pour continuer à vouloir vivre dans ce monde, pour en avoir le courage, la foi et l’envie, j’ai besoin de penser à lui. Merci d’exister.


Eric Emmanuel Schmitt



dimanche 21 juin 2015

(Ci) Merveilles?

Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles, mais uniquement par manque d’émerveillement. 

Chesterton

 

dimanche 14 juin 2015

(Pr, Co) Renversement de pouvoir à Jérusalem, narration du 14 juin

Narration du 14 juin, « Renversement de pouvoir à Jérusalem »
 (Actes des Apôtres 3 et 4).
Vous serez peut-être surpris par quelques anachronismes; ils sont intentionnels! Cette narration vise à approcher deux mystères, celui de la résurrection de Jésus et celui du don du St-Esprit aux apôtres; comment les deux sont liés; et comment les premiers chrétiens les ont vécus.



Lectures:  Jean 16, 12-14; Romains 10, 8-13



L’histoire se déroule à Jérusalem, il y a 1985 ans exactement. Raphaël arrive tout excité, ce jour-là: cheveux décoiffés, essoufflé, il a l’air d’avoir inventé le rock-and-roll en mettant les doigts dans une prise électrique! Je ne l’ai jamais vu comme ça.

- Qu’est-ce qui se passe? Disons-nous tous en choeur.

- Faites-moi quelque chose à boire, je vais vous raconter, répond Raphaël. ... Merci. Alors, voilà: ce matin, comme tous les matins, le vieux Galiob a été amené par ses amis à la porte du Temple, pour mendier.

- Galiob? Fait quelqu’un. Le paralysé?



- C’est ça. Il n’arrive plus du tout à marcher, il faut le porter pour qu’il puisse quémander quelques sous. Il doit bien vivre, le pauvre. Bon, bref, aujourd’hui c’était encore pire que d’habitude: au milieu de l’après-midi, Galiob n’avait encore rien reçu. Pas une seule petite pièce. Les passants ne manquaient pas, pourtant, et plusieurs avaient largement de quoi; les riches Sadducéens, par exemple. Mais: des clous! Rien. Vous pensez bien que Galiob voyait descendre le soleil avec angoisse: il sentait qu’à ce taux-là, il ne survivrait pas longtemps...
 

- Et alors? faisons-nous, que s’est-il passé?

- J’y arrive, les gars. Patience! Est-ce que vous connaissez Pierre et Jean, les amis de ce Jésus qui a été crucifié il y a quelques semaines? Eh bien, ils sont venus au Temple, pour la prière. Galiob criait pour demander l’aumône, d’une voix désespérée. Pierre et Jean se sont approchés de lui, l’ont regardé; longtemps; et puis ils ont dit: “Nous n’avons pas d’argent; mais ce que nous avons, on te le donne: au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi, et marche!”

Moi, j’arrivais 100 mètres derrière eux, continue Raphaël. Je n’ai pas bien vu comment ça s’est passé, au milieu de tout ce monde. Il y a eu des cris de surprise; et j’ai entendu: “IL MARCHE!”

Je me suis approché, à travers la foule, et j’ai vu: Galiob était debout! Il marchait, à petits pas, d’accord, mais il marchait! Sans sa canne, sans l’aide personne!

- Incroyable, font les amis. Ils ont fait comme Jésus!

- Parfaitement, continue Raphaël. Mais attendez! Ça a fait du raffut, vous imaginez! La foule s’exclamait, des gens péroraient, d’autres disaient que c’était pas possible! Mais Galiob, lui, il criait, il dansait, il chantait: “Gloire à Dieu! Merci, Seigneur!”
 


Alors Pierre a pris la parole. Dans un silence (approximatif!), il a expliqué que, depuis hier, les amis de Jésus ont reçu un... truc... euh, un souffle, je crois... un esprit qui souffle et qui leur donne le pouvoir de Jésus... Je n’ai pas très bien entendu, il y avait tellement de gens qui posaient des questions, tous à la fois! Je n’ai pas bien compris, un souffle saint, un esprit de Dieu, quelque chose comme ça, qui leur permet de guérir les exclus, comme Jésus. De redonner la liberté. ...

Nous restons tous muets, soufflés par l’inattendu de ce récit.

- Alors, continue Raphaël, alors ils sont arrivés.

- Qui ça, “ils”? demande Esra. Les anges de Dieu?

- Mais non, tomates! Les chefs! Les huiles! Tous les pontes du Sanhédrin, les grands-prêtres, les commandants de la police du Temple, les riches Sadducéens... Le gratin, quoi! Ils avaient été alertés par le bruit (vous savez comme ils ont peur d’un éventuel soulèvement populaire). Et ça n’a pas loupé, ils sont arrivés pile au moment où Pierre disait que Jésus n’était plus mort, qu’il est à nouveau vivant, que son esprit... ou son souffle, c’est Jésus ressuscité, Jésus à l’oeuvre aujourd’hui encore!

- Génial! dit quelqu’un. Les Sadducéens et les grands-prêtres ne croient pas à la résurrection! Ça a dû exploser!

- Exact, fait Raphaël. Ils étaient rouges! verts! Ils suffoquaient.

- Et alors?

- Et alors, ils ont fait embarquer Pierre et Jean. Au clou! Comparution immédiate devant le Sanhédrin, érigé en tribunal.

- Eh, comme pour Jésus, se souvient Silas.

- Comme pour Jésus, tu l’as dit. Mais la suite s’est passée différemment. D’abord, Galiob n’a pas voulu les quitter. Depuis qu’il était guéri, impossible de lui faire lâcher les baskets de Pierre. Il est donc entré au tribunal avec les deux prisonniers. Vous imaginez, c’était mieux qu’une pièce à conviction!

- Euh, et toi, Raphaël? je fais. Tu ne les as pas suivis, quand même?

- J’avais peur de me faire coffrer, tu penses. Mais il s’est passé quelque chose que je n’ai pas compris (d’abord). Derrière Pierre et Jean, derrière Galiob, des autres sont entrés au Sanhédrin. Pas des officiels, donc: des pauvres, des pécheurs, des gens du peuple, comme moi. Sans savoir pourquoi, je suis entré aussi. Comme s’il y avait... une force, un vent qui me poussait.
 


- Eh, tu nous charries, dit Silas. Toi, le trouillard, tu as osé les suivre? Non, mais raconte ça  à d’autres!

- Vous me croirez, vous me croirez pas, continue Raphaël, mais je vous assure! Même que le Sanhédrin a délibéré longtemps, en posant des questions à Pierre et Jean: “Qui êtes-vous? Qu’avez-vous fait? Au nom de qui avez-vous agi?” On les sentait embarrassés. Pourtant, c’étaient les grands pontes du Temple et de la Loi, les familles les plus puissantes d’Israël, les élites, quoi! Ceux que nous envions toujours, à cause de leur pouvoir. Eh bien là, ils se regardaient, ils hésitaient... ils compulsaient leurs livres... Comme s’ils avaient peur. J’ai compris qu’ils cherchaient à étouffer l’affaire. Ils se sentaient menacés...

Par contre, Pierre, lui, était plein d’assurance. Lui qu’on avait vu il y a quelques jours désespéré par la mort de Jésus, lui qui parlait de se f... à l’eau et qui n’avait plus aucun but, eh bien, il était fort et rayonnant! Il parlait avec sûreté de ce Jésus que Dieu a ressuscité; qui vit toujours aujourd’hui avec eux, ses amis! Qui sauve! Qui guérit! On aurait dit que c’était lui le grand-prêtre, et eux les petits, les perdants. Il a même dit (Pierre, donc), il a même dit une phrase que les prêtres seuls ont le droit de prononcer. C’était: “Il n’y a sous le ciel aucun autre nom par lequel les hommes et les femmes puissent être sauvés!” Comack! “Aucun autre nom que celui de Jésus”!

- De Jésus? Pas de Dieu?

- Comme je l’ai dit! De Jésus! Du coup, les grands-prêtres bégayaient, se consultaient... Ils balançaient entre colère et peur...

- Mais peur? Pourquoi peur, Raphaël? Puisque c’est eux qui ont le pouvoir?

- Justement, j’ai mis du temps à comprendre. D’abord, il y avait Galiob, debout, inexorable. Galiob dont la seule présence était une preuve indubitable.

Et puis, et surtout, il y avait nous! Nous étions plusieurs centaines à être entrés dans le Sanhédrin, et encore quelques milliers dehors. Tout à coup, j’ai compris: les pontes, ils avaient peur de nous!  Ils étaient moins libres que Pierre et Jean, moins libres même que nous, le peuple! C’était comme s’il soufflait un vent qui mettait tout à l’envers!
 

- Mais comment ça s’est fini, demande Silas?

- Eh bien, fait Raphaël, les grands-prêtres ont dû relâcher Pierre et Jean, qui n’avaient rien fait de mal. Ils ont évidemment essayé de les intimider, de leur interdire d’enseigner le nom de Jésus... Bref, du vent! Autant souffler dans un tambour!

Pierre et Jean sont sortis en disant: “Nous avons choisi: nous obéirons à Dieu plutôt qu’aux hommes.” Et ça chantait, et ça dansait, nous étions soulevés par un espoir immense... Nous nous sentions forts comme jamais nous ne l’avions éprouvé. Et moi, Raphaël le traqueux, moi qui n’ai jamais appris à lire ou à parler, je me suis mis à raconter partout cette folle journée... J’ai abordé des inconnus, j’ai embrassé des soldats, j’ai affronté les rires et les moqueurs pour expliquer ce phénomène. Ce... souffle, cet esprit de Dieu, il a complètement changé ma vie. J’aime chanter, j’aime vivre, j’aime les autres disciples de Jésus... Allez, les copains, c’est décidé: j’y retourne. Vous venez avec moi?

Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz   


dimanche 7 juin 2015

(Pr) « Chiens d’infidèles! », Prédication du 7 juin

Lectures:  Marc 7, 14-15; Marc 7, 24-31; Genèse 12, 1-4


Le passage de l’évangile que nous avons ouvert ce matin nous parle de nos préjugés. Un préjugé, c’est une idée toute faite que nous avons sur quelque chose ou quelqu’un, avant de connaître ce qui en est réellement. Une idée qui ne vient pas d’un raisonnement logique; une opinion que nous avons avalée avec la poussière ambiante, ou avec notre éducation. Par exemple: “les Arabes sont violents et intolérants”; ou bien “les Suisses sont des paysans un peu lents” (ce que disent parfois les Français...); ou encore “les Fribourgeois sont sales et sentent mauvais”...

Tout le monde a des préjugés. Oui, même nous, qui sommes pourtant presque parfaits. Même moi. Et, sans blasphémer, j’ajoute: même Jésus!

Ce qui est extraordinaire, dans le passage de l’évangile que nous venons d’entendre, c’est que, pour une fois, ce n’est pas Jésus qui parle et quelqu’un d’autre qui est transformé. Ici, c’est le contraire: une femme parle, et c’est Jésus qui change!
 


Reprenons ce récit: après une violente dispute avec les Pharisiens au sujet de la pureté devant Dieu, Jésus part à l’étranger, en pays païen, dans la ville de Tyr. Il n’y va pas pour évangéliser, car il veut rester incognito. Peut-être veut-il se reposer, reprendre des forces avant la seconde partie de l’évangile, où il sera arrêté et condamné à mort? La Bible ne le dit pas.

Mais là, une femme anonyme l’oblige à quitter son anonymat à lui. Cette femme est triplement impure, pour un juif: d’abord parce qu’elle est femme (hélas oui, ça suffisait pour être considéré comme impur!); ensuite parce qu’elle est païenne, et même de naissance; et enfin parce que sa fille est malade mentale - on disait à cette époque “possédée par un esprit impur”.

Une mère durement éprouvée donc, mais pas désespérée: en s’agenouillant devant Jésus, elle affirme avec tout son corps qu’elle reconnaît son autorité, et qu’elle place son espoir en lui.

Or ce qui nous surprend, dans ce récit, c’est la réponse de Jésus: un sec refus. “Laisse d’abord les enfants se servir, car il n’est pas bien de prendre la nourriture des enfants et de la jeter aux petits chiens”. Quelle réponse dure, et presque injurieuse!

En ce temps-là, comme aujourd’hui, ce n’est vraiment pas un compliment de traiter quelqu’un de chien. C’est ainsi que les juifs nommaient les païens. “Toi et ta fille, vous n’êtes que des chiens d’infidèles! La nourriture de mon salut, de ma guérison, elle est avant tout pour les gens d’Israël; pas pour vous!”
 


Après une gifle pareille, beaucoup d’entre nous seraient repartis en s’excusant, l’oreille basse. Mais cette femme saute dans l’espèce de parabole racontée par Jésus, et elle la prolonge: “Pourtant, maître, même les petits chiens, sous la table, mangent les miettes que les enfants laissent tomber.”. Et c’est le miracle: Jésus change d’avis. Et la petite fille est guérie. Ces deux païennes sont accueillies au banquet du salut. Et rassasiées!

Ce n’est pas à cause de son insistance que cette femme est exaucée, ni à cause de son humilité, ou de son humour, comme on l’a souvent dit. Mais pour un motif beaucoup plus simple: c’est parce qu’elle avait raison! Parce que les gens trois fois impurs ont accès au festin du Royaume autant que les bons juifs (ou bons chrétiens) bien obéissants. C’est elle qui avait raison, et Jésus le reconnaît: “C’est vrai. Alors, ta fille est déjà guérie”. Non pas “alors je la guérirai”. Lorsque Jésus réalise sa méprise, le miracle a déjà eu lieu! Et la petite est appelée enfant de Dieu!

Jésus, fils du Très-Haut, est aussi homme véritable. Nous l’avons donc vu ici victime d’un préjugé: celui de croire que le salut était donné d’abord aux juifs. Tout le monde, en Israël, pensait ainsi, à l’époque! Jésus a mis du temps à se débarrasser de cette idée préconçue.

Dans les paroles de cette femme, Jésus découvre une vérité qu’il ne connaissait pas, et qui va le modifier. Il se laisse bousculer dans ses préjugés, et sa vie va changer: la conclusion de ce récit le montre bien, qui nous raconte que Jésus s’attarde désormais en territoire païen, et à visage découvert cette fois. Une autre guérison se produira dans ce pays étranger, et, fait encore plus révélateur: une seconde multiplication des pains. Le premier miracle du rassasiement avait eu lieu en Israël, le deuxième se passe en territoire païen: les non-juifs aussi sont invités au banquet du Royaume, où ils se régaleront!

 


Cette histoire, c’est donc le monde à l’envers: c’est Jésus qui est transformé. Pire encore (si j’ose dire), il l’est par une femme (et le beau sexe n’avait pas voix au chapitre à l’époque, vous le savez!); et par une femme païenne et impure. C’est le sommet!

Mais. Qu’est-ce qui va permettre ce changement, chez Jésus? Vous me direz “l’Esprit de Dieu”, et vous aurez bien raison. J’ajouterai que le fils de Marie ne serait pas le Christ, le Seigneur, s’il n’avait pas été capable de laisser de côté ses idées humaines un peu étroites.

Mais, concrètement, dans le dialogue avec la païenne de Tyr, comment cela se produit-il? D’une manière toute simple, voyez-vous. Toute simple mais exemplaire. La femme ne “rentre pas dans le cadre” de Jésus. Imaginez qu’elle lui ait rétorqué “Tu te trompes, Dieu veut donner les mêmes droits aux païens, c’est ça la vérité”. Je suis sûr qu’alors, à la place de Jésus, vous auriez répliqué “Mais pour qui te prends-tu? Non, c’est moi qui ai raison”. Et c’était le dialogue de sourds.

Au lieu de cela, l’étrangère admet les priorités de Jésus: “C’est vrai, les enfants d’abord”. Quand on me dit ça, je peux écouter, car je sais qu’on a entendu mon argument. Et c’est ensuite seulement que cette femme introduit un nouvel élément, qui change tout: les miettes. “Les enfants ont la priorité, mais il y a des miettes qui tombent de la table. Et nous, les petits chiens, nous pouvons nous nourrir avec ces miettes”. Et Jésus comprend!

Faire changer l’autre sans l’agresser! Aider l’autre à dépasser ses préjugés sans lui dire “Tu as tort”, sans le mettre sur les pattes arrières, sans qu’il se ferme. Cette femme triplement impure nous donne ici une sacrée leçon de diplomatie. Oui, sacrée!!

 


Juste après la résurrection de Jésus, quand cette histoire était racontée, les juifs devenus chrétiens n’acceptaient pas les païens convertis au Christ, sauf s’ils se pliaient à toutes les lois de pureté d’Israël. Ça a été un dur combat, de l’apôtre Paul surtout, pour faire évoluer les mentalités. Notre récit a bien sûr joué dans cette lutte un rôle décisif.

Au temps où Marc écrit son évangile, ce problème est dépassé. Les chrétiens sont, en nette majorité, d’anciens païens. Mais surgissent de nouvelles barrières, de nouveaux tabous. Des murs d’indifférence ou de haine viennent séparer les chrétiens, et aujourd’hui encore.

Il est donc vital de se remettre à l’écoute de ce Jésus qui a franchi la frontière d’Israël, du pays “pur”, presque accidentellement, et qui a accepté de sortir de lui-même, de ses anciennes convictions, pour mieux aller à la rencontre de l’autre et obéir à sa vraie mission. Un peu comme Abraham 2000 ans plus tôt. 
 
 

En 2015, d’innombrables barrières se dressent encore entre nous. À l’intérieur du christianisme, ou au-dehors. Nos préjugés sur les Fribourgeois, sur les Arabes ou sur les réfugiés... Est-ce que nous aurons la chance de rencontrer une femme anonyme qui nous aide à nous transformer?

Saurons-nous abandonner nos fausses sécurités, nos barrières internes et nos guéguerres puériles, nos “C’est moi qui ai raison, et toi t’as tort”, pour réinventer la véritable paix, celle qui se construit sur la confiance et le dialogue, l’écoute et le respect? Celle qui travaille à dissiper les préjugés... Celle qui re-part de Dieu, qui nous aime tous, et qui nous invite à la fête du salut. Sans discriminations. Sans préjugés. Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz

Introduction à la Cène:

Les petits chiens mangent le même pain que les enfants! Et ils en sont rassasiés! Aujourd’hui, ce symbole du banquet du Royaume de Dieu nous est offert. En recevant le pain, corps du Christ, nous recevons le signe de son amour, de son salut! Qui que nous soyons, chiens d’infidèles ou Pharisiens scrupuleusement purs, Dieu nous pardonne nos préjugés, et il nous appelle à vivre dans la lumière de sa présence. Que sa proximité nous aide aussi à nous accueillir les uns les autres, qui que nous soyons.  


vendredi 5 juin 2015

(Ci, Ré) Paradis perdus et miettes du banquet

 



Un joli texte de Raphaël Picon, pasteur et professeur de théologie à Paris: 

"Les paradis sont perdus. Et avec eux, nos assurances tranquilles, la permanence d’un état de grâce, celui de l’irréversibilité de nos liens aux autres, à l’univers et à Dieu. Cet éden de luxe, de calme et de volupté s’en est allé. Il s’est détaché de nous brutalement ou au gré du temps, sans que nous ne sachions réellement pourquoi. Cette sortie du paradis nous a expulsés du monde de l’insouciance.

Et nous devons maintenant faire avec. Faire avec la perte, inéluctable, celle des êtres chers, d’une santé de fer, des lendemains assurés pour l’éternité. Nous devons faire avec le désordre, celui des repères qui sont maintenant à jamais brouillés, des garanties qui n’en sont plus, le désordre d’une vie qui peut d’un coup basculer, s’effondrer. Oui, nous devons faire avec tous ces paradis perdus.

Mais c’est peut-être de là, de cette acceptation sereine, que nous viendra le plus grand des secours. Certains, ceux qui y croient et qui ont les mots pour le dire, y déchiffreront la trace de Dieu qui, de manière clandestine, ensemence tout sur son passage. D’autres y verront la chance d’une belle étoile. Accepter sereinement la perte du paradis comme ultime secours ? Oui, car se confronter lucidement au monde tel qu’il est, c’est le connaître pour mieux lui faire face. Oui, car accepter que le paradis soit perdu, c’est renoncer à la prétention de le saisir, de s’y accrocher et de le retenir. C’est s’obliger alors à se mettre résolument à l’affût de tous ces signes d’amour qui, inépuisables, ne se livrent que par fragments, de ces fulgurances de bonheur qui nous saisissent si intensément qu’elles nous permettent de tenir debout.

Les lecteurs des évangiles le savent : dans la nuit obscure il y aura toujours un poète, un ami, un prophète pour nous dire : mais non, relève-toi mon ami, la vie continue ! Il nous dira aussi : les paradis sont perdus, mais il tombera toujours de la table du banquet quelques miettes pour raviver en toi le goût de la vie, le désir des autres. Et ce sera alors cela, notre paradis." 


Raphaël Picon