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dimanche 6 septembre 2015

(Pr, SB, Vu) Dent pour dent, perdant!

Prédication du 6 septembre, « Oeil pour oeil... La vengeance »

Lectures:  Matthieu 5, 38-39 + 43-45; Lévitique 24, 17-20



Il y a quelques années, un attentat à la bombe a été commis en Iran. Au bilan de cette terrible tragédie: 13 morts, et une centaine de blessés.

Les auteurs ont été retrouvés peu après. Et condamnés, selon la loi coranique, à la peine de mort.

Précisions étonnantes pour nous Européens: la sentence a été exécutée en public, sur les lieux même de l’attentat. De plus, avant l’exécution capitale, ceux qui avaient été blessés par la bombe ont eu le droit de se venger personnellement de leurs souffrances. Ils ont pu frapper les terroristes, à une condition: ils ne devaient pas leur infliger de blessure plus grave que celle qu’ils avaient eux-mêmes subie. Le droit de crever un oeil pour celui qui avait perdu un oeil. Le droit de casser une dent pour une dent fracturée. Le droit de couper un bras pour celui qui avait dû être amputé de son bras...

C’est la loi du “donnant-donnant”. Celle qu’on appelle, d’un mot savant, la loi du talion: telle blessure pour telle blessure, oeil pour oeil, et dent pour dent.

Ce système nous paraît cruel, il est pourtant en vigueur dans l’Ancien Testament. Nous l’avons entendu, le livre du Lévitique le prône, de même que d’autres passages de l’Exode ou du Deutéronome. Et c’est Jésus qui va s’en distancer, dans le Sermon sur la montagne, et qui va demander de renoncer à la vengeance.

Avant de nous révolter contre la barbarie de certains textes de l’AT, je vous invite à réfléchir quelques minutes.
 


Vous savez probablement que les sociétés primitives, dites “tribales”, fonctionnaient toutes selon un autre principe, celui de la “vendetta”: la vengeance qui se répercute à l’infini d’un clan à l’autre, à chaud le plus souvent. La gravité des actes augmentait au fur et à mesure des répliques. C’était la fameuse spirale de la violence. On en arrivait souvent, pour un coup de poing sur le nez, à casser un bras, puis à commettre un meurtre (c’est un peu la “morale” de certaines bandes de jeunes aujourd’hui encore...).

Dans un tel contexte, vous réalisez que la loi du talion est un progrès. La peine infligée au coupable ne doit pas être plus grave que le mal qu’il a fait: pas plus d’une dent pour une dent, et ainsi de suite. Ce système a donc pour but de limiter la vengeance, et non de l’encourager. ...

Mais aujourd’hui, dans nos sociétés dotées de police et de tribunaux relativement efficaces, qui rendent la justice à partir d’un code pénal précis et détaillé, la situation est bien différente. Nos lois prévoient des peines, non d’abord pour venger les victimes, mais surtout pour corriger les délinquants et favoriser leur réhabilitation dans la société; pour prévenir la violence et limiter au maximum les risques de récidive.

Il est intéressant de voir que nos lois modernes s’inspirent de l’enseignement de Jésus dans le Sermon sur la montagne! Lui qui remplace le “oeil pour oeil” par cette demande étrange d’aimer ses ennemis; de ne pas se venger; de prier pour ceux qui nous font du mal...

Pas faciles du tout à mettre en pratique, ces principes du Christ! À l’image du Sermon sur la montagne entier, nous avons là une éthique exigeante, énorme, presque utopique!

Car évidemment, notre passage ne concerne pas que la violence physique et les agressions. Vous qui m’écoutez ou me lisez en ce dimanche, je ne vous imagine pas trop dégainer la mitraillette ou faire le coup de poing pour riposter à une attaque qui vous aurait blessé. Mais nous sommes toutes et tous tentés, parfois, de répondre à une injure par une autre injure; de prolonger une mesquinerie subie par une autre; un coup tordu, une rancune... Dur dur de résister à ce genre de tentation!
 


Trois précisions à ce sujet. D’abord, les exégètes soulignent que cet enseignement s’adresse aux disciples de Jésus; ce ne sont pas des principes pour Monsieur et Madame Tout-le-monde. Ce sont des exigences qui soulignent la nécessaire rupture, totale, des croyants de la première Eglise par rapport à la société de leur époque; assez exactement comme aussi le fameux “Laisse les morts enterrer leurs morts” dont nous avons parlé avec le groupe de partage biblique mercredi dernier. Exigences de rupture totale. Aujourd’hui, dans un monde chrétien, ou du moins recouvert d’un vernis de christianisme, la donne n’est plus la même!

Deuxième remarque: cette éthique n’est pas une loi; ni une morale! N’en faisons pas un commandement qui, en cas de contravention, nous ferait sanctionner par Dieu. Le Nouveau Testament a rejeté le principe de la punition divine. Nous vivons sous le régime de la grâce.

Et c’est d’ailleurs exactement cette dimension du pardon qui motive le Sermon sur la montagne: Car “oeil pour oeil”, c’est un principe qui bloque le coupable dans sa faute. Quand la main du voleur a été coupée, comment voulez-vous que le pardon agisse et libère?

Le Dieu de l’évangile, au contraire de celui du Coran ou de certains passages de l’AT, ne veut pas la mort du pécheur... mais qu’il change de vie, et qu’il vive! J’aime cette boutade de Martin Luther King: “Oeil pour oeil... et le monde finira aveugle!”
 


Troisième précision, “l’autre joue”. J’en parlais l’année dernière: le Nouveau Testament, écrit en grec, exprime là quelque chose d’intraduisible en français. Pour dire “autre”, il y a en grec deux mots: “allos” et “heteros”. “Heteros”, c’est l’autre parmi deux choses, ou deux personnes; quand il n’y a que deux possibilités. “Allos”, c’est l’autre parmi plus de deux objets ou personnes.

Or, dans “tendre l’autre joue”, pour “l’autre”, ce n’est pas “heteros” qui est employé par l’évangile (alors qu’on n’a que deux joues, pourtant); ce n’est pas “heteros”, c’est “allos”. Présenter l’autre joue, c’est donc tendre une autre joue, une joue différente. C’est réagir d’une manière nouvelle, qui aide à sortir du cercle vicieux de la violence.

Vous l’avez tous expérimenté: de répondre à l’agressivité par l’agressivité, ça engendre l’escalade de la violence. Mais à l’opposé, un mot, un geste, un acte à contre-courant peut tout changer; désamorcer l’agression, dés’armer la haine.

Rompre la symétrie. Encore faut-il beaucoup de courage et d’à-propos. Et de force intérieure, pour résister à la tentation de la colère qui monte! C’est en cela, et en cela seulement, que nous osons nous demander les uns aux autres, selon les termes de l’évangile, d’être parfaits comme l’est notre Père céleste. C’est-à-dire non pas de nous abstenir de toute faute -c’est impossible, évidemment- mais, avec Dieu, de tout imaginer, de tout mettre en oeuvre pour désamorcer la violence, la sortir des mécanismes qui la font se reproduire et se multiplier à l’infini...

Et ça, vous l’imaginez bien, c’est exactement le contraire de la passivité! Il ne s’agit pas de se laisser frapper sans répondre; mais de mettre en action un amour, un respect, une espérance dont nous ne sommes capables que parce que Dieu nous les donne, d’abord, en Jésus-Christ.

Ainsi, l’attitude chrétienne dans un conflit, ce n’est ni céder ni riposter avec les mêmes armes. L’attitude chrétienne, c’est rompre la symétrie, en puisant nos forces dans celles de Dieu.  En effet, vous vous en rendez bien compte, si Dieu ne nous avait pas “tendu une autre joue”, en Christ, face à nos péchés, si Dieu nous avait donné la réciproque, eh bien, nous serions morts!

Voilà le chemin nouveau que Jésus nous appelle à parcourir, derrière lui. Savoir que la violence existe, en moi, en nous; et tout faire pour la maîtriser en cherchant toujours à regarder l’autre avec une passion qui s’inspire de celle de Dieu pour lui. Et pour moi. Vouloir son bien, et non me venger.
 

Pour conclure, écoutez ce beau passage de Charles Baudoin, cité dans une brochure des Editions Ouvertures (“Tu es venu de loin...” p. 31). Il est tout aussi utopique que le Sermon sur la montagne! J’aime comme il renverse la notion de vengeance.

“Oeil pour oeil, dent pour dent. Pour chaque enfant qu’ils assassinent en riant, comme un homme ivre, je chercherai un enfant pauvre, un enfant malade, et je l’aimerai, et je lui rendrai la joie de vivre.

Oeil pour oeil, dent pour dent. Pour tous les yeux qu’ils crèvent, j’essuierai des larmes. Aux morsures de leur rage, là-bas, je répondrai ici par des baisers, et ce sera mon arme.

Oeil pour oeil, dent pour dent. À tous les gestes de mort dont je suis entouré, je répondrai par autant de paroles de vie, et je les sèmerai dans les âmes que la douleur a labourées.

Oeil pour oeil, dent pour dent, et l’amour pour la haine, ce sera là mon talion. Ce sera ma vengeance et ma volupté, ce sera ma joie de protestation, d’entêtement et de rébellion.

Obstinez-vous, et je m’obstinerai. Répondez, et je riposterai. Acharnez-vous, j’aurai le dernier mot pourtant.

Oeil pour oeil, dent pour dent! Oeil pour oeil, dent pour dent!”

Charles Baudoin



Amen                                          

Jean-Jacques Corbaz  


 

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