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dimanche 23 octobre 2016

(Pr) Cochons, peurs et passerelles - Prédic. du 23 octobre 2016

Lectures bibliques: Marc 4, 35-41 + Marc 5, 1-20

Quelle histoire étrange et étonnante, que celle du possédé et des cochons! Un chapitre de roman d’aventures! Pour bien comprendre ce qu’elle veut nous dire, il faut savoir deux ou trois choses. La plupart d’entre vous les connaissez sans doute, mais permettez que je les rappelle, ce matin.

D’abord, il faut savoir que les récits surnaturels, dans les évangiles, sont fréquents. Ils sont nés dans une culture où les connaissances médicales n’ont rien à voir avec celles d’aujourd’hui, évidemment. Ces histoires miraculeuses sont écrites par des gens et pour des gens qui baignent dans cette mentalité un peu magique. Alors, ne nous laissons pas arrêter par tout ce qui semble impossible ou fantastique, sinon nous passerions à côté de ce que la Bible veut nous dire. Souvenons-nous du dicton “Quand on montre la lune du doigt, le benêt regarde le doigt”. Le miracle, c’est un doigt qui désigne une réalité difficile à saisir, et c’est sur elle qu’il faut essayer de tenir notre attention.


Pour bien regarder la lune, dans ce récit, il faut savoir ensuite qu’en ce temps-là déjà, le peuple d’Israël (les Juifs) avait un sens très aiguisé du territoire: ils habitaient un pays promis par Dieu, donc considéré comme saint. Les frontières n’étaient pas seulement des découpages administratifs; c’était, bien plus, des limites fortes entre (d’une part) un sol béni par le Seigneur, et (d’autre part) des contrées dites païennes, donc sans lien avec Dieu.

Israël, au temps de Jésus, avait un autre sens très aigu: c’était la distinction entre ce qui était pur et ce qui était impur. Selon les croyances juives, des forces invisibles opposées au Seigneur, donc impures, essayaient sans arrêt d’envahir la Terre Sainte. Et il fallait absolument les contenir et les refouler, soit par des prières ou des sacrifices, soit par des rites de purification (c’est le sens premier du baptême de Jean, le Baptiste). Si vous alliez à l’étranger, ou si vous entriez en contact avec du sang ou des excréments, eh bien du coup, vous étiez considéré comme contaminé par cette impureté.

Dans ce contexte, vous imaginez qu’on ne se déplaçait à l’étranger que rarement, et au prix d’extrêmes précautions religieuses. Ce n’était donc pas vraiment l’idéal pour s’ouvrir aux autres peuples et essayer de les comprendre!

Or, dans l’évangile, surprise: on voit Jésus qui traverse sans arrêt la mer de Galilée, donc la frontière avec le territoire païen. Il voyage continuellement, à pied ou en bateau, sans craindre les forces impures, ni les reproches des prêtres ou autres chefs religieux d’Israël. On dirait qu’il veut sans cesse jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière. Entre les pays, entre les peuples. Et même à l’intérieur des gens!
  


J’ai écrit en majuscules “sans craindre les forces impures”. Car c’est exactement ici l’essentiel du message de notre épisode, dans l’évangile de Marc. Jésus se montre plus fort que la peur; et souverain face aux esprits impurs. Ni les reproches ni les craintes ne pourront l’empêcher de se rapprocher de nous, et de nous rapprocher les uns des autres!

Mais ce rapprochement ne se fait pas sans mal. Je veux dire: pas sans douleur, ni sans peur! C’est ce que souligne le premier passage de notre histoire. Car sur le lac, Jésus et ses amis se heurtent aux éléments déchaînés. La tempête! Danger de mort! Savez-vous que, pour les Juifs, la mer (la mer, pas la mère!) est la source et l’origine des esprits mauvais, et des énergies impures. Ces dernières semblent ainsi se soulever avec violence contre le Christ, comme pour se défendre par avance, comme pour l’empêcher de dresser ces passerelles dont nous parlions. Mais bien sûr c’est en vain: Jésus se montre le plus fort, il apaise la tempête!


   

À peine Jésus et ses amis ont-ils posé le pied sur le rivage qu’ils se voient à nouveau confrontés à ces forces païennes, justement: un homme, tourmenté par un esprit impur, vient vers eux, sortant d’une zone de grottes où il s’est réfugié; des grottes utilisées comme tombeaux. Vous imaginez: ça devait sentir horriblement mauvais! Le lieu impur par excellence... Cet homme passe son temps à hurler, à se lacérer le corps avec des pierres; donc à faire du mal et à faire peur, à lui-même au moins autant qu’aux autres!

Ses voisins et sa famille sont complètement impuissants face à ces tourments. La seule solution qu’ils ont trouvée, c’est de l’éloigner. À l’image des lépreux ou autres pestiférés, notre homme est tenu à distance, obligé de demeurer (je n’ose même pas dire: de vivre!) dans des lieux de mort, de pourriture. De solitude.

Quand il voit Jésus débarquer, l’homme a une attitude étrange. Ou plutôt, il a deux attitudes contradictoires, comme pour bien montrer qu’il souffre d’une séparation à l’intérieur de lui-même. D’une part, il court vers le Christ et s’agenouille devant lui! Mais d’autre part, il lui dit en substance: “Fiche-moi la paix! Laisse-moi tranquille!”... L’homme tourmenté supplie Jésus de ne pas le tourmenter! Jésus.

Mais celui-ci, nous le disions, veut sans arrêt jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière. Entre les pays, les peuples. Et même à l’intérieur des gens! “Quel est ton nom?”. “Moi? Mais c’est Légion; parce qu’un armée de forces agressives m’habite. Un régiment de semeurs de mort m’agite”.
   


Alors, Jésus va raccommoder notre homme. L’unifier. Le pacifier. Les énergies impures qui le possèdent vont devoir le quitter; le libérer. Ou: l’acquitter! - comme on gracie un accusé reconnu innocent. Mais: où vont-elles aller? En effet, on croyait à l’époque que les esprits mauvais, s’ils étaient chassés, devaient chercher asile chez un autre être vivant. C’est pour ça qu’ils supplient le Christ de ne pas les faire sortir du pays. Sans doute perdraient-ils de leur pouvoir, au-delà de la frontière.

Alors, Jésus les prend au mot. Il leur permet d’aller posséder un troupeau de cochons (clin d’oeil: vous savez que, pour les Juifs, les porcs sont considérés comme impurs!). Et ce sont les cochons qui vont quitter le pays, dans un gigantesque mouvement de terreur panique. Ils se précipitent dans la mer. La mer, source et origine de tous les esprits mauvais. Comme un retour à l’expéditeur, en somme!
   


Vous l’avez remarqué, il y a un sentiment qui accompagne tout notre récit, en continuo. C’est la peur. Depuis la tempête déchaînée jusqu’au possédé qui brise ses liens... Depuis les énergies impures qui craignent Jésus jusqu’aux cochons affolés... Depuis les disciples atterrés jusqu’aux villageois effrayés par la puissance du Christ... Tout le monde a peur. Sauf, bien sûr, Jésus. Car lui, c’est la Confiance majuscule. Le prince, le premier de la paix.

Celui qui ne craindra pas même le supplice de la croix, c’est auprès de lui que nous pouvons trouver la libération de nos trouilles.

La peur, on le sait, est mauvaise conseillère. Elle nous rend capables du pire, comme notre possédé. Elle nous disperse à l’intérieur de nous-même. Elle nous fait faire, ou dire, des choses complètement contradictoires. Elle nous sépare les uns des autres, et nous enferme derrière des murailles d’incompréhension. Elle nous possède, nous ne nous appartenons plus nous-mêmes. Vous connaissez tous des récits où la panique fait mille fois plus de mal que ce dont on a peur.

S’approcher de Jésus peut donc nous aider à redevenir libres face à nos terreurs. Comme les disciples sur la barque agitée par la tempête. Comme l’homme autrefois habité par “Légion”.

Mais attention, ne ratons pas l’aiguillage: car ici, trop souvent, on dérape. Vous connaissez le discours pieux qui démarrerait à partir de ces considérations: donne ton coeur au Christ, approche-toi sans cesse du Seigneur, et tu seras sauvé.

Or ce n’est pas cela que dit l’évangile. Car l’homme guéri, eh bien Jésus refuse qu’il l’accompagne: “Reste ici, auprès des tiens”. Il s’agit toujours de raccommoder, et pas de séparer. De relier, et non de quitter. Ne jamais s’approcher du Christ sans également s’approcher de ses prochains!

Vous le pressentez sans doute, pour nous guérir de nos peurs, Dieu nous appelle donc à aller les uns auprès des autres. À nous mettre en relation... ou en religion, ce qui est la même chose! S’il veut sans cesse jeter des ponts, tisser des liens par-dessus la frontière; entre les peuples; et même à l’intérieur des gens, alors ils nous invite à faire de même! Être chrétien, c’est vivre relié, non seulement avec le Ciel, mais aussi avec les humains et la terre!
   

C’est, entre autres, ce à quoi souhaite nous inviter le Conseil de notre paroisse, qui voudrait privilégier l’accueil concret entre nous, aux cultes comme dans tous les secteurs de notre communauté chrétienne. Nous pouvons transformer notre paroisse en lieu de vie spirituelle, d’échanges, de découvertes. Être Eglise ensemble, en unissant nos forces, dans cette société où nous devons parler de plus en plus fort pour être entendus; dans ce monde où nous devons nous relier plus nettement les uns aux autres pour devenir visibles et pour qu’on nous prenne au sérieux.

Dresser des passerelles entre les hommes et les femmes de ce temps. Ici, à Blonay et Saint-Légier. Jeter des ponts, tisser des liens aussi avec nos contemporains, et nos voisins, même quand ils ne sont pas intéressés par la foi chrétienne. Et c’est toute la réflexion que notre Eglise entreprend depuis quelques années dans le domaine de l’évangélisation. Stimuler le rayonnement des chrétiens d’ici, pour que les paroles du Christ, remplies de respect, de pardon et de liberté, que les paroles du Christ touchent davantage de personnes, et leur permettent d’accéder mieux à cette qualité de vie pacifiée que nous trouvons auprès de lui.
   

Ici tout près comme à travers les continents, Jésus a besoin de nous, il nous appelle à tisser sans fatigue les passerelles dont il a besoin pour vivre sa proximité bienfaisante. Il nous invite à ne jamais nous replier sur nos coutumes, nos traditions, si bonnes soient-elles, car tout seul, on s’étiole. Au contraire, sans cesse ouvrir nos portes, et nos coeurs, pour progresser ensemble dans l’humanité habitée par le Christ. Pour raccommoder les personnes, entre elles et à l’intérieur d’elles-mêmes.

Alors, pour éviter de rester barricadés par crainte des autres, rendons-nous visite! Comme ces gens qui invitent des voisins étrangers, pour qu’ils leur deviennent moins étranges. Parlons-nous, et nous verrons nos appréhensions diminuer. Mangeons ensemble, et nous découvrirons, derrière cette personne qui nous faisait peur, un frère, une soeur en Dieu.

Oui, il reste du boulot! Voyez les murs qui se dressent, depuis quelques années, en Europe, en Palestine ou en Amérique. Ou encore... mais n’allongeons pas. Plutôt: allongeons le pas! Allongeons le pour, avec Christ, franchir les frontières de nos peurs. Amen.                                         


Jean-Jacques Corbaz  


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